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ŒUVRES DE STENDHAL.

traits rappelle la Vénus d’Arles ; leur regard a une vivacité piquante et douce en même temps, que je n’ai retrouvée qu’à Bordeaux.

On m’assure que nulle part on ne parle la langue provençale avec plus de grâces que dans cette ville, où je n’ai pu adresser la parole qu’à deux postillons endormis. Toutes les nuances disparaissent incessamment en France ; dans cinquante ans peut-être il n’y aura plus de Provençaux ni de langue provençale. J’ai vu la même révolution s’opérer en Angleterre ; on me dit qu’il en est de même en Espagne ; il ne restera plus que les différences des races, modifiées par le climat. Rien ne ressemble moins à la race d’Arles que celle de Gap, par exemple, qui n’en est qu’à trente lieues. Le provençal, parlé par une jeune femme, admet les jolis diminutifs de l’italien et de l’espagnol, chassés de partout maintenant par la clarté, ce despote des langues modernes ; il veut épargner le temps, et ordonne d’être clair avant tout.

Autrefois Arles avait un costume assez semblable à celui des environs de Rome ; la Révolution a tué toute originalité de ce genre, en rendant facile le voyage à Paris.

Je donnerai peut-être ailleurs le résumé des idées sur la langue provençale, que je dois à M. N…


— Montpellier, le 9 septembre 1837.

Montpellier est une fort jolie ville bâtie sur un tertre, ce qui fait que plusieurs rues sont en pente ; c’est, selon moi, un des plus grands avantages. On voit la mer à l’horizon, à quatre ou cinq lieues.

Je suis allé, en arrivant, au jardin public, nommé le Peyrou, situé dans une position admirable, sur une petite élévation, à peu près comme la Montâgnola, à Bologne. Mon correspondant tenait à me faire croire que du Peyrou, on peut voir les Alpes et les Pyrénées, le Canigou et le mont Ventoux. Peut-être ai-je