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ŒUVRES DE STENDHAL.

publique, c’est que jamais l’on ne trouvera des gens, non animés par une grande passion politique, qui se fassent une joie de sacrifier douze ou quinze heures de chacune de leurs journées à élever et à nourrir passablement des enfants payant trois ou quatre cents francs par an.

J’ai examiné fort en détail ce petit séminaire. Il y a dans la même ville un collège où le prix de la pension est de sept cents francs. L’instruction du collège est plus forte et plus variée ; mais les pères préfèrent le petit séminaire à cause des principes de morale et de religion. On ne saurait trop répéter que les petits séminaires ont cet immense avantage que les professeurs et directeurs ne songent nullement à une spéculation d’argent ; leur unique but est le succès, et, par le succès, ils veulent arriver à ce que l’éducation publique soit rendue au clergé.

Les petits séminaires ont beaucoup d’argent ; d’où vient-il ? Depuis 1830 ils bâtissent autant et plus qu’avant la dernière révolution. Dès que vous voyez dans la campagne un très-grand bâtiment neuf, vous pouvez être sûr que c’est un petit séminaire.

On m’a dit à Dijon et l’on me confirme à Béziers que beaucoup de gens qui ne fréquentaient pas les églises avant 1830 y vont maintenant.

C’est pour moi une nouvelle preuve qu’aujourd’hui rien n’est plus malheureux pour une religion ou pour un système que d’être protégé par le gendarme.

Saint Dominique eut raison de brûler les hommes et les livres ; mais de son temps il n’y avait pas de liberté de la presse. Supposons qu’Henri V détruise la liberté de la presse, comme cela amuse les Français, on se révoltera pour la ravoir. Maintenant il faut qu’un parti ait un grand écrivain et un grand orateur : M. de Chateaubriand et M. Berryer, qui tirent parti de la liberté de la presse pour prouver qu’il n’y a point de liberté sans jésuites et sans roi régnant en vertu du droit divin.

Je craindrais de paraître lourd en plaçant ici cinq ou six