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Page:Stendhal - Mémoires d’un Touriste, II, Lévy, 1854.djvu/53

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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

Je pourrais imprimer vingt faits comme le suivant, que je n’admets ici que parce qu’il a été publié dans un journal qui se respecte, le Commerce du 21 janvier 1838.

« On vient démettre en vente à Nevers un petit livre intitulé Annuaire de la Nièvre. Le préfet du département déclare, dans une note signée de lui, que l’ouvrage est publié sous son patronage, et qu’on peut le consulter comme un recueil à peu près officiel. Or, dans l’abrégé historique joint à cet almauach officiel, après Louis XVI on voit venir Louis XVII, et ensuite Louis XVIII. La République et l’Empire ne sont pas même mentionnés.

Qu’on juge de l’instruction historique donnée aux enfants ! Mais ce zèle singulier produit un effet contraire à celui qu’il se propose. Leur tête est remplie des victoires de la république, des conquêtes de Napoléon, et ils les adorent d’autant plus qu’on cherche à les amoindrir à leurs yeux.


— Saint-Malo, le…

Le sublime de l’aubergiste de province, c’est de vous faire manquer la diligence et de vous forcer ainsi à passer vingt-quatre heures de plus dans son taudis. On a voulu faire de moi une victime sublime. Mais je me suis rebellé et j’ai quitté Rennes, cette ville si aristocratique, perché sur l’impériale d’une diligence, au grand étonnement de l’hôte fripon. Je n’en étais que mieux pour admirer la campagne vraiment remarquable qui sépare Rennes de Dol.

Le fils d’un gentilhomme de ce pays disait à son père, en parlant d’un négociant, qui a une fille charmante dont il est épris :

— Mais il est d’une haute probité !

— Et que diable voulez-vous qu’il soit ? C’est la seule vertu laissée à ces petites gens.

Il y a un endroit où le chemin de Rennes à Dol arrive droit sur une jolie colline isolée au milieu de la plaine, et couronnée par