Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/169

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pour trouver une situation si cruelle. On voit bien que Racine avait aimé avec passion, se disent-elles ; et d’ailleurs l’expression leur plaît. Le vulgaire, les gens étiolés, les pédants, admirent la richesse de la rime, et la difficulté qu’il y avait à la trouver ; s’ils l’osaient, ils blâmeraient la pensée comme grossière et trop simple.

La littérature française peut donc espérer une belle époque d’énergie, lorsque arriveront dans le monde les petits-fils des enrichis de la révolution.

Langres est fort jalouse de Chaumont. En courant les rues assez jolies de Langres, et voyant de toutes parts des boutiques de couteliers, je ne pouvais penser qu’à Diderot ; sans doute cet écrivain a de l’emphase, mais combien en 1850 ne paraîtra-t-il pas supérieur à la plupart des emphatiques actuels ! Son emphase à lui ne vient pas de pauvreté d’idées, et du besoin de la cacher ! Bien au contraire, il est embarrassé de tout ce que son cœur lui fournit. Il faut arracher six pages à Jacques le Fataliste ; mais, cette épuration accomplie, quel ouvrage de notre temps est comparable à celui-là ? Il ne manqua au talent de Diderot que le bonheur de faire la cour, à vingt ans, à une femme comme il faut, et la hardiesse de paraître dans son salon. Son emphase