Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/223

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d’acide prussique. Deux heures après il était fort malade, mais ne mourait point, et, pour passer le temps, il se roulait sur son plancher. Son hôte, honnête cordonnier, travaillait dans sa boutique au-dessous de la chambre ; étonné de ce bruit singulier et craignant qu’on ne gâtât ses meubles, il monte ; il frappe, pas de réponse ; il entre alors par une porte condamnée, il est effrayé de la position de son Anglais, et envoie chercher M. Travers, chirurgien célèbre, ami du malade. Le chirurgien arrive, médicamente M. Smith et le met bien vite hors de danger, puis il lui dit :

— Mais que diable avez-vous donc bu ?

— De l’acide prussique.

— Impossible, six gouttes vous auraient tué en un clin d’œil.

— On m’a bien dit que c’était de l’acide prussique.

— Et qui vous l’a vendu ?

— Un petit apothicaire du quai de Saône.

— Mais vous vous servez ordinairement chez votre voisin Girard, là, vis-à-vis votre porte, le premier pharmacien de Lyon.

— Il est vrai ; mais la dernière fois que j’ai acheté une médecine chez lui, j’ai dans l’idée qu’il me l’a vendue trop cher.