Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/277

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et avoir peur de l’enfer que faire nicher des canaris ?

Nous comprenons qu’à Saint-Étienne on est terriblement jaloux d’une pauvre petite ville, Montbrison, je crois, qui a le préfet, le général, et les autres belles choses qu’entraîne la qualité de capitale du département. Saint-Étienne, qui n’avait que vingt-quatre mille habitants en 1804, en compte trente-quatre mille aujourd’hui et bientôt arrivera à cinquante ; c’est en ce genre la rivale du Havre. Saint-Étienne a été créé par la houille, qu’elle transforme en armes, en eustaches et en rubans de soie. Les rues sont larges et noires comme en Angleterre. Un torrent magnifique, nommé Furens (le furieux), traverse la ville, et fait mouvoir cent usines.

Il faudrait, au milieu de la grande rue de Roanne, une belle statue de bronze à laquelle on donnerait le nom de quelque industriel héroïque s’il y en a, ou du brave Étienne, le tambour d’Arcole. Ce serait une belle chose qu’une statue héroïque élevée à un simple tambour ; elle parlerait au peuple[1]. Cette statue ferait mieux si elle était nue, en costume héroïque car ici l’imagination est étouffée par la réalité,

  1. Étienne, mort à Paris le 1er  janvier 1838.