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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

avant le dessert pour aller voir le pont qui fait l’orgueil de Tours. Il a quarante-sept pieds de large, et chacune de ses quinze arches a soixante-quinze pieds de diamètre.

Comme tout ce qu’on fait en France depuis cinquante ans, ce pont est fort commode et manque absolument de physionomie. Il faut être journaliste payé ou rédacteur d’un annuaire départemental pour avoir le front d’appeler cela beau. Le plus exigu des centaines de ponts que Napoléon a fait construire en Lombardie donne le vif sentiment de la grâce ou de la beauté ; mais ces gens-là ne prennent pas Constantine d’assaut comme nous.

Réduit aux beautés de la nature, car je savais qu’il n’existe plus aucun vestige de la fameuse église de Saint-Martin de Tours, j’ai parcouru avec intérêt la colline au nord du pont ; elle est dans la plus belle exposition du monde, en plein midi avec la vue d’une grande rivière et d’un pays fertile. C’est là que le plus honnête homme de France, et peut-être le plus grand poëte du siècle, a choisi sa modeste retraite. Quelle différence de cette vie pure à ces vies d’intrigants, qui, à Paris, conduisent à tout ! J’ai demandé à un paysan où était la Grenadière.

— Ah ! la maison de M. Béranger !