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Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/47

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nait une manière d’être si nouvelle pour moi, j’eus le malheur de perdre ma femme, et j’ai du moins cette consolation que jamais elle n’a même soupçonné des choses qui lui auraient donné du chagrin. Je la pleurai sincèrement ; un dégoût profond pour toutes choses s’était emparé de moi.

Pendant les trois ou quatre premiers mois qui suivirent cette cruelle séparation, je me retirai à Versailles ; je ne venais à Paris que trois fois la semaine, passer une heure ou deux pour les affaires. Ce désespoir contrariait mon beau-père ; une amie de la maison, assez intrigante, me parla de me remarier ; ce mot fit révolution chez moi.

Ce jour-là, je me trouvais de garde au Château-d’Eau, sur le boulevard, car quoique absent et fort malheureux, il faut monter sa garde. Je ne retournai pas à la maison à deux heures du matin, après avoir fait ma faction, et je me souviens que je passai toute la nuit assis sur une chaise de paille, devant le corps de garde, occupé à réfléchir profondément.

J’étais sûr que madame Vignon allait me faire presser de me remarier par mon beau-père lui-même ; peut-être n’avait-elle parlé qu’à son instigation ? Me remarier ! J’allais donc recommencer le genre de vie que je menais depuis six ans !