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RAISONNEMENTS À LA TURGOT

chose pour ces deux coupables ? Il faut dire : l’amende sera du quart des impôts payés l’année précédente[1]. Toute la partie de nos lois relatives aux punitions par l’argent est donc à refaire. L’arrêt du destin est conçu en ces termes : les riches devront bientôt chercher leur sécurité dans l’absence du désespoir chez le pauvre.

Un ouvrier est accusé, on le met en prison ; cette arrestation préventive dure un mois ou deux : pendant ce temps sa femme et ses enfants meurent de faim ou volent. Un homme aisé est mis en prison, il ne perd que sa liberté.

Faites comprendre ces questions à des gens qui n’ont jamais lu, je ne dirai pas Bentham, mais seulement Montesquieu, dont le style est une fête pour l’esprit. Un jour un législateur se moquait de moi parce que j’avais lu Delolme (sur le gouvernement anglais).

Le Français qui veut se donner le plaisir d’habiter une ville de neuf cent mille habitants, disions-nous, doit faire le sacrifice d’une partie de sa liberté. C’est ce qu’un ministre devrait dire à la Chambre, en présentant une loi qui porterait prohibition à tous les forçats libérés et à tous les repris de justice d’habiter le département de la

  1. Toute cette phrase est une addition de l’erratum de l’exemplaire Primoli et de l’édition de 1854. N. D. L. É.