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SHAKSPEARE

prise en particulier nous semble une fidèle représentation de la nature ; mais toutes les scènes ne sont pas également intéressantes ou plutôt leur intérêt n’émane pas directement du sujet principal, car il est difficile en lisant une scène vraie de ne pas s’y intéresser. Seulement il faut faire l’effort de se prêter à la scène. C’est cet effort qui paraît au soussigné le grand défaut de la contexture des pièces de Shakspeare, mais ce défaut est bien racheté par la grande étendue d’idées, l’immense variété de sensations, de tons, de styles dont on jouit à la lecture de ce grand poète.

Le caractère d’Imogène, le premier de la pièce, nous a fait l’impression du tendre gracieux, du mélancolique doux. Imogène est une amante pure, d’un esprit borné mais juste, sans enthousiasme et sans chaleur, ne concevant que son amour, capable de mourir pour son amant, capable aussi de lui survivre, se bornant après sa mort à le regretter, à parler de lui et à pleurer.

Au reste ce caractère, que nous venons de tracer, se devine par le style d’Imogène, par son genre d’affliction, par ses réponses douces et sa résignation, mais ne paraît pas tout à fait fini par le poète : il n’a pas tiré parti de toutes les circonstances dans lesquelles il place Imogène. Lorsqu’elle