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LE RIRE

douleurs de Paris, durant lesquelles la moindre plaisanterie est si bien reçue !

Cette disposition du peuple français à suivre un patron pour ses actions, comme pour ses habits, existe depuis plus de deux cents ans. Si l’on en veut la preuve détaillée, on la trouvera dans les Aventures du baron de Fœneste, d’Agrippa d’Aubigné. Le jeune Gascon, baron de Fœneste, répond à toutes les objections du sage Énay : « C’est pour parestre. »

Rappelons-nous que la borne naturelle du rire, c’est la compassion. Or, la compassion est un sentiment bien difficile à la cour de Louis XV, où il n’y a pas, ou du moins fort rarement, la mort pour le malheureux, mais seulement une disgrâce qui, en général, délivre le rieur d’un rival. Et notez que le sentiment de cette délivrance n’est pas assez vif pour mettre obstacle au rire, par l’énergie du bonheur qu’il procure. Donc, à cause de la difficulté de la compassion, la cour est la vraie patrie du rire.

Une cour magnifique et polie, et par conséquent gouvernement monarchique, à la Louis XV, est fort utile au rire. Une telle cour est une source immense, inépuisable, d’une espèce de rire, le rire satirique.

On a, je crois, plus de bon sens à Washington ; mais on y rit moins qu’à Paris. Même au milieu du sérieux apporté par la