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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

Pour soutenir en l’air, à une prodigieuse hauteur, ces routes de la cathédrale de Strasbourg, qui, même au point où en sont arrivées la mécanique et les sciences mathématiques, font encore aujourd’hui le sujet de notre étonnement, on augmenta successivement les contre-forts ; de tous côtés on lança des arcs-boutants ; on n’hésita pas à sacrifier l’extérieur des faces latérales de l’église de Bourges, par exemple, à l’effet que l’on espérait de l’intérieur.

L’architecture romane aimait les corniches saillantes ; elle marquait fortement les lignes horizontales. L’architecture gothique a ces lignes en horreur ; nous avons vu à la cathédrale de Coutances[1] qu’elle emploie tous les moyens pour fixer l’attention sur les lignes verticales.

Les architectes du quatorzième siècle ont eu recours à tous les moyens pour faire pyramider l’ensemble du frontispice. Par la multitude de leurs pinacles, ils font oublier entièrement les lignes horizontales.

Quant aux ornements, les cathédrales du treizième siècle commencent avec les ornements du douzième, à peine modifiés ; on avait déjà renoncé, sur la fin du douzième siècle, à placer des hommes ou des animaux en bas-reliefs aux chapiteaux des colonnes ; on employait des feuillages fantastiques.

L’architecture du quatorzième siècle, pouvant disposer de grandes richesses, employa des feuillages fidèlement copiés de ceux qu’offre la nature ; on trouve des feuilles de chêne, de châtaignier, etc., rendues avec une finesse et une vérité qu’il est impossible de surpasser. Les statues roides et longues du douzième siècle prennent du mouvement et de la grâce au treizième ; on commence à travailler d’après nature ; mais la plus grande variété dans les détails continua à être à la mode.

Ce fut donc au quatorzième siècle que l’architecture gothique arriva à son plus haut point de splendeur. Elle brille alors par

  1. Mémoires d’un Touriste, t. II, p. 69.