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Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/151

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seule dans la loge, où, pour ne pas emprunter une idée française, [elle] est le seul objet des galanteries et des caresses (prindise i galoi) des visitants. Les femmes qui n’ont pas le bonheur d’avoir une des deux cents loges de ce théâtre reçoivent quelques amis qui font un taroc, assaisonné des paroles les plus grossières : asinone, coujonon ? ce jeu est une dispute continuelle. Dans la petite bourgeoisie et dans les maisons où l’on vit à l’antique, la bouteille de vin bon est sur le champ de bataille et sert à redonner courage aux combattants.

Les agréments plus délicats, et si enchanteurs une fois qu’on les a goûtés, d’une société mélangée d’hommes et de femmes, sont inconnus ici. Les hommes ne demandent pas d’une manière impérieuse des jouissances dont ils n’ont pas d’idée, et il faudrait les exiger de ce ton, pour obtenir des femmes une chose qui blesse si cruellement leurs intérêts les plus chers.

Tels est le mécanisme en vertu duquel il ne se formera jamais de société à Milan. À Paris, la société absorbe tout un homme : un homme de société n’est plus rien ; tout lui dit comme la baronne des Dehors trompeurs :

Ne soyez point époux, ne soyez point amant ;
Soyez l’homme du jour et vous serez charmant.