Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/189

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» Une autre théorie aussi odieuse, et heureusement encore plus absurde, c’est celle de la tolérance.

» Si les rois d’Espagne, en faisant brûler 200.000 de leurs sujets, ont assuré la félicité éternelle de 8 ou 10 millions d’hommes qui auraient été séduits dans la suite des temps par les erreurs des Juifs, des Maures ou des Protestants, et c’est ce qu’il est facile de prouver, ils ont agi en bons pères.

» Quoi, nous faisons des lazarets contre la peste et je vois le roi très catholique protéger les protestants. Il croit fermement que hors de l’Église point de salut, il le répète tous les jours vingt fois dans ses prières et il ne se hâte pas de faire le bonheur d’un million d’hommes aux dépens de la vie de 3 ou 400 hérétiques. Il oublie la première maxime de l’art de règner, salus populi suprema lex esto. Il est aveugle au grand exemple donné par Louis XIV — et tout cela contre la religion qu’il prétend suivre ! On voit qu’il n’y a rien de plus absurde que la tolérance. Je ne crains pas de le dire et beaucoup de nos collègues le pensent avec moi. C’est une des hérésies les plus abominables qui aient jamais infecté l’Église, et saint Dominique, outre qu’il est un grand homme pour ceux qui savent lire l’histoire, a été le plus humain