Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/333

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actuel. En même temps, il ne faut pas se dissimuler qu’il doit une partie de sa popularité à son luxe, et surtout à sa femme. Personne ne soutient avec plus d’éclat tout l’apparat et toute la pompe de cette royauté du second ordre : le Palazzo di Venezia est, à la lettre, la cour de Rome, et ses mercredis les levers de la capitale du pape. Mais, dans ces occasions, l’ambassadrice absorbe tout, et éclipse si complètement l’ambassadeur, que je suis fâché de dire que, pendant toute la soirée, à peine est-il question du souverain. Grande, maigre, dépourvue de cette harmonie de proportions si essentielle au charme du beau sexe, la comtesse d’Apponyi fait oublier ces défauts par la délicatesse calme de ses traits ; la douceur pénétrante de son sourire, la grâce de cygne qu’elle déploie dans ses mouvements, et l’élégance inimitable de ses manières. Née en Italie, élevée en Allemagne, elle unit les qualités des deux nations. Elle se trouve au point difficile où finit la grâce et où l’affectation commence. Son chant est une émanation d’elle-même et un type juste de ce qui la caractérise. Elle donnait de temps en temps aux habitués de son cercle, dans ses petits appartements, le plaisir d’entendre quelques-uns des plus délicieux morceaux de la musique nationale ; les Allemands