Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette pauvre Venise ! Si la circonstance de n’avoir jamais obéi qu’à ses propres lois, faites et conservées par ses propres citoyens, et pendant le long cours de treize siècles de s’être constamment préservée de la conquête est un titre de noblesse, aucune ville connue, pas même l’ancienne Rome, ne peut se vanter d’une noblesse égale à celle de la pauvre Venise. Les Vénitiens n’acquirent point leur sol par l’usurpation et par l’extermination d’autres hommes, mais en créant par une industrie aussi patiente que sagace le sol même sur lequel ils bâtissaient, étendaient leur ville[1], sorte de domination la plus juste de toutes. Là, parmi ces aimables Vénitiens s’est conservé le plus pur sang italien, toujours défendu contre les armées de terre par une mer profonde seulement de deux ou trois pieds, et inaccessible aux vaisseaux. Enfin c’est encore une gloire pour Venise, puisqu’il fallait finir, de ne succomber que sous les armes de ce Napoléon qui sera célèbre dans l’histoire pour avoir fait finir toutes les anciennes monarchies d’Europe et les avoir changées en gouvernements constitutionnels.

  1. Verri, 1. 29.