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pensées

Quand on dit : Dorat a trop d’esprit, Voltaire trop de philosophie, on dit précisément le contraire de la vérité, car leur but à tous deux étant de toucher, c’était faute d’esprit que Dorat donnait dans ce qu’on nomme esprit (petites idées nouvelles sur tout) à tous ses personnages, et pour n’avoir pas assez réfléchi sur le cœur humain que Voltaire faisait de temps en temps disparaître le personnage pour se montrer.

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26. Supposons que Corneille, Molière, et Racine ont peint aux Français de Louis XIV tous les caractères qui pouvaient leur être agréables, il est évident qu’il ne reste plus que de nouvelles intrigues à faire, c’est-à-dire mettre des caractères aussi forts que les leurs dans de nouvelles positions.

Mais ce n’est plus au Français de Louis XIV que nous voulons plaire, mais à celui de 1803. Or que ces Français diffèrent c’est ce que prouve le peu de succès de Polyeucte, des Trois Sultanes, du Muet, des Dehors trompeurs (et tout ce que nous voyons). Le Français a acquis une tête plus forte, il s’est rapproché du caractère républicain, la preuve c’est qu’il sent plus profondément les caractères forts