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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/177

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pensées

On rit des plaisanteries dont l’effet consiste toujours à découvrir finement à notre esprit quelque absurdité.

En ce cas le rire est encore produit par l’imagination soudaine de notre propre excellence.

En effet n’est-ce pas nous confirmer dans la bonne opinion de nous-même que de comparer nos avantages avec les faiblesses ou les absurdités des autres ?

Nous ne sommes point tentés de rire lorsque nous sommes nous-même les objets de la plaisanterie ou lorsqu’elle s’adresse à un ami au bonheur duquel nous prenons part.

On pourrait donc en conclure que la manière d’être nommée rire est : un mouvement subit de vanité produit par une conception soudaine de quelque avantage personnel comparé à une faiblesse que nous remarquons actuellement dans les autres, ou que nous avions auparavant.

Les hommes sont disposés à rire de leurs faiblesses passées lorsqu’ils se les rappellent à moins qu’elles ne leur causent un déshonneur actuel. Il n’est donc pas surprenant que les, hommes s’offensent grièvement quand on les tourne en ridicule, c’est-à-dire quand on triomphe d’eux. Pour plaisanter sans offenser, il faut s’adresser à des absurdités ou des défauts,