Aller au contenu

Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
filosofia nova

Nous pouvons donc découvrir quelquefois par les gestes que nous voyons faire à un homme la manière dont les choses qui l’environnent agissent sur lui.

C’est dans la manière dont le cœur et la tête agissent chez lui que se trouvent les dispositions qu’il a à paraître ridicule à certaines personnes.

(Si nous voulons faire rire nos contemporains à ses dépens il nous faut construire dix dignes représentants de la meilleure société de notre siècle : cinq hommes et cinq femmes, chacun parfait dans les cinq meilleurs genres de plaire de notre siècle[1]. Supposant au premier homme ainsi qu’à la première femme cinq mille francs de rente chacun, au deuxième dix mille, au troisième vingt mille, au quatrième quarante mille et au cinquième enfin quatre-vingt mille. Cela fait, il nous faut chercher l’action ou la suite d’actions qui pourra le rendre le plus ridicule aux yeux de ces gens-là réunis.)

une passion peut-elle être ridicule aux yeux de cet excellent public ?

Non. Car 1o ces gens d’esprit savent bien qu’une passion n’est pas volontaire ; 2o que chaque homme est le seul juge compétent de son bonheur, et que nous

  1. Non pas absolument, mais du plus haut degré de perfection du siècle.