Page:Stendhal - Promenades dans Rome, I, Lévy, 1853.djvu/23

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matin nous allons au Colysée, et ne le quitterons qu’après avoir examiné tout ce qu’il y faut voir.

13 août. — Le 3 août nous traversâmes ces campagnes désertes, et cette solitude immense qui s’étend autour de Rome à plusieurs lieues de distance. L’aspect du pays est magnifique ; ce n’est point une plaine plate ; la végétation y est vigoureuse. La plupart des points de vue sont dominés par quelque reste d’aqueduc ou quelque tombeau en ruines qui impriment à cette campagne de Rome un caractère de grandeur dont rien n’approche. Les beautés de l’art redoublent l’effet des beautés de la nature et préviennent la satiété, qui est le grand défaut du plaisir de voir des paysages. Souvent, en Suisse, un instant après l’admiration la plus vive, il se trouve qu’on s’ennuie. Ici l’âme est préoccupée de ce grand peuple qui maintenant n’est plus. Tantôt on est comme effrayé de sa puissance, on le voit qui ravage la terre ; tantôt ou a pitié de ses misères et de sa longue décadence. Pendant cette rêverie, les chevaux ont fait un quart de lieue ; on a tourné un des plis du terrain ; l’aspect du pays a changé, et l’âme revient à admirer les plus sublimes paysages, que présente l’Italie. Salve magna parens rerum.

Le 3 août nous n’avions pas le loisir de nous livrer à ces sentiments, nous étions troublés par la coupole de Saint-Pierre qui s’élevait à l’horizon ; nous tremblions de n’arriver à Rome qu’à la nuit. Je parlai aux postillons, de pauvres diables fiévreux, jaunes et à demi morts ; la vue d’un écu les fit sortir de leur torpeur. Enfin, comme le soleil se couchait derrière le dôme de Saint-Pierre, ils s’arrêtèrent dans la via Condotti, et nous proposèrent de descendre chez Franz, près la place d’Espagne. Mes amis prirent un logement sur cette place ; là nichent tous les étrangers.