Page:Stendhal - Promenades dans Rome, I, Lévy, 1853.djvu/31

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fice immense, plus beau peut-être aujourd’hui qu’il tombe en ruines, qu’il ne le fut jamais dans toute sa splendeur (alors ce , n’était qu’un théâtre, aujourd’hui, c’est le plus beau vestige du peuple romain), il faudrai| connaître les circonstances de la vie du lecteur. Cette description du Colysée ne peut se tenter que de vive voix, quand on se trouve, après minuit, chez une femme aimable, en bonne compagnie, et qu’elle et les femmes qui l’entourent veulent bien écouter avec une bienveillance marquée. D’abord le conteur se comnande une attention pénible, ensuite il ose être ému ; les images se présentent en foule, et les spectateurs entrevoient, par les yeux de l’âme,ce dernier reste encore f^ant du plus grand peuple du monde. On peut faire aux Romains la même objection qu’à Napoléon. Ils furent criminels quelquefois, mais jamais l’homme n’a été plus grand.

Quelle duperie de parler de ce qu’on aime ! Que peut-on gagner ? le plaisir d’être ému soi-même un instant par le reflet de l’émotion des autres. Mais un sot, piqué de vous voir parler tout seul, peut inventer un mot plaisant qui vient salir vos souvenirs. De là peut-être cette pudeur de la vraie passion que les âmes communes oublient d’imiter quand elles jouent la passion.

Il faudrait que le lecteur qui n’est pas à Rome eût la bonté de jeter les yeux sur une lithographie du Colysée (celle de M. Lesueur), ou du moins sur l’image qui est dans l’Encyclopédie.

L’on verra un théâtre ovale, d’une hauteur énorme encore tout entier à l’extérieur du côté du nord, mais ruiné vers le midi : il contenait cent sept mille spectateurs.

La façade extérieure décrit une ellipse immense ; elle est , décorée de quatre ordres d’architecture : les deux étages supérieurs sont formés de demi-colonnes et de pilastres corin-