Page:Stendhal - Promenades dans Rome, II, Lévy, 1853.djvu/188

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l’empereur François II en 1809, époque à laquelle il se trouvait à Vienne, en qualité de nonce. Napoléon ayant fait la folie de demander en mariage une archiduchesse d’Autriche, François II s’estima fort heureux de trouver ce moyen de prévenir une troisième visite des Français à Vienne. Mais Severoli, incapable de se plier à cette politique mondaine, représenta à l’empereur, avec toute la hardiesse d’un apôtre, ou, comme le dirait M. de Lamennais, ecclésiastique français fort considéré à Rome, avec tout le courage d’un prêtre, qu’il ne pouvait donner sa fille à un homme dont la femme était encore vivante, que ce serait sanctionner l’adultère, etc. Ce fut cet acte de fermeté qui attira sur lui l’attention des quinze ou vingt plus anciens cardinaux. La plupart avaient été exilés de Paris par l’empereur Napoléon pour n’avoir pas voulu assister à son mariage.

« Pour comprendre le grand incident qui forme le nœud de ce conclave, il faut savoir que quatre puissances ont le droit de donner l’exclusion à un cardinal qui va être élu pape ; ces puissances sont : l’Autriche, la France, l’Espagne et le Portugal. Mais cette prérogative ne peut s’exercer qu’une seule fois pendant la durée de chaque conclave. Un jour, Severoli réunit vingt-six suffrages ; trente-trois étaient le nombre nécessaire, et, sur les neuf qui lui restaient à obtenir, on parvint à en rallier huit ; partant il ne lui en manquait plus qu’un pour l’emporter sur ses concurrents.

« On craignait peu les exclusions de la France, de l’Espagne et du Portugal. Le roi d’Espagne, prisonnier des cortès, avait des affaires qui le touchaient de plus près que celles du conclave. On calculait que l’exclusion du Portugal n’arriverait pas à temps, et on redoutait peu les cardinaux de la Fare et de Clermont-Tonnerre, qui représentaient la France. Les cardinaux italiens persuadaient à ces messieurs que c’étaient eux