Page:Stendhal - Promenades dans Rome, tome 1.djvu/56

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devient invisible ; on ne lui parle plus. Enfin, chacun de nous pourra, sans manquer à la politesse, faire des courses seul en Italie, et même retourner en France ; c’est là notre charte écrite et signée, ce matin au Colysée, au troisième étage des portiques, sur le fauteuil de bois placé là par un Anglais. Au moyen de cette charte, nous espérons nous aimer autant au retour d’Italie qu’en y allant.

L’un de mes compagnons a beaucoup de sagesse, de bonté, d’indulgence, de douce gaieté ; c’est le caractère allemand. Il a de plus une raison ferme et profonde qui ne se laisse éblouir par rien ; mais quelquefois il oubliera pendant un mois d’employer cette raison supérieure. Dans la vie de tous les jours, on dirait un enfant. Nous l’appelons Frédéric : il a quarante-six ans.

Paul n’en a pas trente. C’est un fort joli homme, et d’infiniment d’esprit, qui aime les saillies, les oppositions, le cliquetis rapide de la conversation. Je crois qu’à ses yeux le premier livre du monde, ce sont les Mémoires de Beaumarchais. Il est impossible d’être plus amusant et meilleur. Les plus grands malheurs glisseraient sur lui sans lui faire froncer le sourcil. Il ne pense pas plus à l’année qui vient qu’à celle qui passa il y a cent