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PRÉFACE

raisons par des raisons contraires, une controverse se serait établie ; l’infaillibilité de l’Académie eût été mise en doute, et la considération dont elle jouit eût pu recevoir quelque atteinte parmi les gens qui ne s’occupent que de rentes et d’argent, et qui forment l’immense majorité dans les salons.

En ma qualité de Romantique, et pour n’imiter personne, pas même l’Académie, je me proposais de relever une discussion aussi frivole par un avantage bien piquant et bien rare, un peu de bonne foi et de candeur. Je voulais bonnement commencer ma réfutation en réimprimant le manifeste de M. Auger. Hélas ! ma bonne foi a failli m’être funeste ; c’est aujourd’hui le poison le plus dangereux à manier. À peine ma brochure terminée, je l’ai lue, ou plutôt j’ai tenté de la lire à quelques bons amis brûlant de me siffler ; on s’asseoit, j’ouvre mon cahier, il commençait par le manifeste académique. Mais hélas ! à peine étais-je arrivé à la sixième page, qu’un froid mortel se répand dans mon petit salon. Les yeux fixés sur mon manuscrit, ne me doutant de rien, je continuais toujours, cherchant seulement à aller vite, lorsque l’un des amis m’arrête. C’est un jeune avocat d’un tempérament robuste, aguerri par la lecture des pièces