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RACINE ET SHAKSPEARE

ne me voyez-vous pas, pour prix de mon esquisse, débuter comme finit mon héros Lanfranc ?

Voilà ce que j’appelle une comédie romantique ; les événements durent trois mois et demi ; elle se passe en divers lieux de Paris, situés entre le Théâtre-Français et la rue de la Clef ; enfin, elle est en prose, en vile prose, entendez-vous.

Cette comédie de Lanfranc ou le Poëte est romantique, par une autre raison bien meilleure que toutes celles que je viens d’exposer, mais, il faut l’avouer, bien autrement difficile à saisir, tellement difficile, que j’hésite presque à vous la dire. Les gens d’esprit qui ont eu des succès par des tragédies en vers diront que je suis obscur ; ils ont leurs bonnes raisons pour ne pas entendre. Si l’on joue Macbeth en prose, que devient la gloire de Sylla ?

Lanfranc ou le Poëte est une comédie romantique, parce que les événements ressemblent à ce qui se passe tous les jours sous nos yeux. Les auteurs, les grands seigneurs, les juges, les avocats, les hommes de lettres de la trésorerie, les espions etc., qui parlent et agissent dans cette comédie, sont tels que nous les rencontrons tous les jours dans les salons ; pas plus affectés, pas plus guindés qu’ils ne le sont dans la nature, et certes c’est bien assez.