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LETTRE V

Le Romantique au Classique.


Paris, le 28 avril 1824.



Hé ! monsieur, qui a jamais parlé de siffler Voltaire, Racine, Molière, génies immortels dont notre pauvre France ne verra peut-être pas les égaux d’ici à huit ou dix siècles ? Qui même a jamais osé concevoir la folle espérance d’égaler ces grands hommes ? Ils s’élançaient dans la carrière chargés de fers, et ils les portaient avec tant de grâce, que des pédants sont parvenus à persuader aux Français que de pesantes chaînes sont un ornement indispensable dès qu’il s’agit de courir.

Voilà toute la question. Comme depuis cent cinquante ans nous attendons en vain un génie égal à Racine, nous demandons à un public qui aime à voir courir dans l’arène de souffrir qu’on y paraisse sans chaînes pesantes. Plusieurs jeunes poëtes d’un talent fort remarquable, quoique bien éloignés encore de la force étonnante qui brille dans les chefs-d’œuvre de Molière, de