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QU’EST-CE QUE LE ROMANTICISME ?

pas vagues et auxquelles je défie de répondre catégoriquement.

M. Dussault de Paris, ancien ami du célèbre Camille Desmoulins, alors jeune homme plein d’idées généreuses, aujourd’hui Ultrà décidé, bibliothécaire du comte d’Artois, ennemi juré de tout ce qui est nouveau, et l’un des rédacteurs du Journal des Débats, est le général en chef du parti classique. Il a pour armée les deux tiers des membres de l’Académie française, tous les journalistes français, même les journalistes libéraux, et tous les écrivains sans génie. Lemercier et Benjamin Constant osent seuls n’être pas tout à fait de l’avis de M. Dussault, mais ils tremblent.

L’ennemi auquel M. Dussault se trouve opposé et qu’il ne nomme pas, pour ne pas faire connaître un adversaire aussi redoutable, c’est l’Edinburgh-Review, journal qui se tire à douze mille exemplaires et qu’on lit de Stockholm à Calcutta. Ce journal, qui paraît tous les trois mois, donne des extraits des meilleurs ouvrages qui voient le jour en Italie, en France, en Allemagne et dans les Indes anglaises[1]. C’est dans ces extraits, et à mesure du besoin, que les

  1. L’Edinburgh-Review paraît depuis 1802. Chaque cahier de deux cents pages très-serrées coûte, à Londres, sept francs quarante centimes et à Genève dix francs, cela fait une dépense de quarante francs par an. Les rédacteurs connus sont MM. Jeffrey, Smith, Makintosch, Alison, Makensie, etc., et trente ou quarante rédacteurs volontaires qui, de toutes les parties de l’Angleterre, envoient des articles anonymes. M Jeffrey, sans savoir leurs noms, choisit les meilleurs articles.