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RACINE ET SHAKSPEARE

Or c’est ce qui n’arrive point, en Italie. Un des plus grands poètes que possède l’Europe, l’homme immortel auquel nous devons la Mascherionana, la Basvigliana, l’Aristodemo, et cette Iliade si sublime et si simple, ce grand homme, dis-je, voulant se reposer de ses longs travaux en vers, consacre sa vieillesse à écrire sur cette langue dont il a étendu l’empire. Sans doute, il va consacrer par la sanction de son génie les tournures et les mots dont il s’est servi pendant quarante ans pour exprimer d’une manière si claire et si pittoresque tant d’images sublimes. Il va consacrer les arrêts de l’usage, ce despote éternel et toujours agissant des langues.

L’usage ! s’est écrié l’ami avec lequel je venais d’acheter le livre de Monti, ce mot ni ce despote n’existent pas en italien. Nous ne cherchons pas à constater d’une façon claire la manière dont nous parlons, mais la manière dont on parla.

J’ouvre l’ouvrage du grand poète. Je m’attendais à voir le dictateur du goût, l’homme qui écrivit d’une manière si claire et si brillante, en prononcer les oracles. Je trouve un tribun du peuple, timide tel que ceux de Rome avant qu’ils eussent obtenu le consulat pour les plébéiens, qui, ayant

    manuscrits de la Bibliothèque de Grenoble. Mais nous avons suivi ici le texte de la copie, corrigée de la main de Stendhal, qui appartient à M. Édouard Champion, texte qu’avait déjà donné M. Pierre Martino dans sa remarquable édition de Racine et Shakspeare parue dans les Œuvres Complètes de Stendhal à la librairie Champion. N. D. L. É.