Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
RACINE ET SHAKSPEARE

En France, on ne parle que de constitution et de lois organiques, d’ultras et d’indépendants.

En Angleterre, il faut bien comprendre, le cas des ouvriers de Manchester, dont la révolte a rempli tous les journaux pendant l’été de 1818.

Ces pauvres gens, qui sont quarante mille, gagnent 4 shillings par jour (4 fr. 80 c.). C’est tout ce que leurs maîtres peuvent leur donner. S’ils leur donnaient 4 shillings et demi, les produits des manufactures anglaises apportés sur le continent, seraient plus chers que les produits des manufactures du continent. Maintenant grâce aux impôts qui ont été mis depuis 1792 pour humilier la France, un ouvrier anglais travaillant 14 heures par jour ne peut pas vivre avec 4 shillings. C’est ce qui fait que sur dix hommes qu’on rencontre dans la rue à Londres ou à Bristol, un au moins reçoit l’aumône de sa paroisse[1]. Croit-on qu’un pays rongé par un tel malheur ait du temps à donner à la littérature ou aux arts ? Il est bien moins près du bonheur que la France qu’il a combattue avec un succès apparent. Il est bien moins heureux que l’Italie où l’on a le temps de rire et d’aller applaudir Rossini.

Remarquez que les trois quarts des

  1. Voir le singulier ouvrage intitulé : Vie de l’évêque Watson écrite par lui-même. C’est là que l’on voit réellement ce que c’est que l’aristocratie anglaise. Voir aussi les discours prononcés en 1818 à la Chambre des Communes sur la question des pauvres.