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RACINE ET SHAKSPEARE

exprimer un caractère[1] et ainsi élever mon âme au sublime ; mais vêtues à la moderne avec des bas de soie et des souliers à boucles, cette jambe et cette cuisse sont ridicules.

Pourquoi ? je n’en sais rien. Pourquoi le tabac me fait-il éternuer ? Mais le fait est sûr. Voyez à Paris le dégoût que donnent des centaines de statues traitées dans ce genre. Il ne se passera pas cinquante ans avant qu’on ne les ôte de leurs niches pour les reléguer dans quelque garde-meuble. Voyez à Saint-Paul de Londres la statue habillée du père du romanticisme, le célèbre Johnson.

Je me trompe peut-être ; peut-être suis-je égaré par les habitudes de mon âme et je déclare impossible pour tous un plaisir qui est seulement impossible pour moi[2], mais il me semble qu’ici le romanticisme n’est pas applicable. Il faut le nu, car le nu est le moyen de la sculpture.

Mais, me dira-t-on, que concluez-vous sur le monument d’Appiani qui dans ce moment occupe tous les esprits ? J’aurais bien envie de ne pas conclure. En effet quels sont mes titres pour oser contredire tant d’artistes si respectables et si justement célèbres ?

  1. L’ensemble des habitudes morales et non pas une passion.
  2. Ecco l’errore dei classicisti di buona fede, vecchi per la piu parte. La generazione che va formandosi a Pavia, non avrà le stesse abitudini, e di qua dieci anni la vittoria è sicura.