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RACINE ET SHAKSPEARE

les Français, à imiter, chacun selon les convenances de son état, les manières de la cour.

Remarquez toutefois que l’habitude de conformer nos actions à un patron convenu nous reste. Aucun peuple ne tient plus à ses habitudes que le Français. L’excessive vanité donne le mot de cette énigme : nous abhorrons les périls obscurs.

Mais, enfin, aujourd’hui ce n’est plus Louis XIV et les impertinents de sa cour, si bien peints par le courtisan Dangeau, qui sont chargés de confectionner le patron, auquel chacun, suivant les convenances de notre fortune, nous brûlons de nous conformer.

C’est l’opinion de la majorité qui élève sur la place publique le modèle auquel tous sont tenus de se conformer. Il ne suffit plus de se tromper sur le chemin qui mène à la cour. Le comte Alfieri raconte, dans sa Vie, que, le premier jour de l’an 1768, les échevins de Paris s’étant égarés, et n’étant pas arrivés dans la galerie de Versailles assez à temps pour recueillir un regard que Louis XV daignait laisser tomber sur eux, ce premier jour de l’an, en allant à la messe, ce roi demanda ce qu’étaient devenus les échevins ; une voix répondit : « Ils sont restés embourbés » et le roi lui-même daigna sourire[1].

L’on raconte encore ces sortes d’anecdotes, on en rit comme d’un conte de fées

  1. Vita di Alfieri, tom. I, pag. 140.