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DE QUELQUES OBJECTIONS

Une autre cause de l’effet de sécheresse des comédies de Molière, c’est que de son temps on commençait seulement à faire attention aux mouvements de l’âme un peu délicats. Molière n’eut jamais fait les Fausses confidences ou les Jeux de l’Amour et du Hasard, de Marivaux, pièces que nous blâmons avec hypocrisie, mais qui donnent à tous les jeunes gens le sentiment délicieux de s’entendre dire : « Je vous aime ! » par la jolie bouche de mademoiselle Mars.

Molière faisait péniblement le vers alexandrin ; il dit souvent trop ou trop peu, ou bien emploie un style figuré, ridicule aujourd’hui. Chez nous, c’est le naïf qui, en vieillissant, n’est jamais ridicule. L’emphase est contraire au génie de la langue. Je vois dans Balzac[1] le sort futur de MM. de Chateaubriand, Marchangy, d’Arlincourt et leur école.



VII. — Déclamation.

Notre déclamation est à peu près aussi ridicule que notre vers alexandrin. Talma n’est sublime que dans des mots ; ordinairement, dès qu’il y a quinze ou vingt vers à dire, il chante un peu, et l’on pourrait battre la mesure de sa déclamation. Ce grand artiste a été sublime en devenant

  1. Membre de l’Académie française. Né en 1594, mort en 1655.