Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
DE QUELQUES OBJECTIONS
Platon sur l’identité du beau idéal chez tous les hommes. Voltaire l’a dit dans un style que je n’oserais me permettre, tant la délicatesse a fait de progrès !

Rien de plus beau aux yeux d’un crapaud que sa crapaude aux gros yeux sortant de la tête.

Croit-on, de bonne foi, qu’un brave général noir, de l’île de Saint-Domingue, admire beaucoup la fraîcheur de coloris des Madeleines du Guide ?

Les hommes ont des tempéraments divers. Jamais le sombre et fougueux Bossuet ne pourra sentir la douceur charmante et tendre de Fénelon.

Exaltez, tant qu’il vous plaira, par la pensée, les facultés de ces deux grands écrivains ; supposez-les s’approchant sans cesse davantage de la perfection, toujours Bossuet s’écriera d’une voix sombre et tonnante : « Madame se meurt, Madame est morte ! » Fénelon dira toujours : « Alors Idoménée avoua à Mentor qu’il n’avait jamais senti de plaisir aussi touchant que celui d’être aimé, et de rendre tant de gens heureux. Je ne l’aurais jamais cru, disait-il : il me semblait que toute la grandeur des princes ne consistait qu’à se faire craindre ; que le reste des hommes était fait pour eux, et tout ce que j’avais ouï dire des rois qui avaient été l’amour et les délices de leurs peuples me paraissait une pure fable ; j’en reconnais maintenant la vérité. Mais il faut que je vous raconte comment on avait empoisonné mon cœur