Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
361
DE QUELQUES OBJECTIONS

Au lieu de ce mot tragédies, écrivez en tête des œuvres de Racine : Dialogues extraits d’un poëme épique, et je m’écrie avec vous : C’est sublime. Ces dialogues ont été de la tragédie pour la nation courtisanesque de 1670 ; ils n’en sont plus pour la population raisonnante et industrielle de 1823.

À cela on répond par une personnalité plus ou moins bien déguisée sous des termes fort polis : « Votre âme n’est pas faite pour sentir la beauté des vers. » Rien n’est plus possible, et, si cela est, mes raisons tomberont bientôt dans le mépris, comme venant d’un aveugle qui se mettrait à raisonner des couleurs.

Tout ce que j’ai à dire, c’est que moi, Français moderne, qui n’ai jamais vu d’habits de satin et à qui le despotisme a fait courir l’Europe dès l’enfance et manger de la vache enragée, je trouve que les personnages de Racine, d’Alfieri, de Manzoni, de Schiller, ont toujours la mine de gens contents de si bien parler. Ils sont remplis de passion ; soit, mais ils sont d’abord contents de bien parler.

Présentement, il nous faut des tragédies en prose, ai-je dit dans la première partie de Racine et Shakspeare. On m’a répondu que j’étais un sot[1]. On m’a dit : « Votre âme n’est pas faite pour sentir la beauté des vers. » — Qu’importe ? Attendons deux ans, et voyons si les idées de ce pamphlet trouveront des voix pour les répéter.

  1. Pandore du 26 mars 1823.