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RACINE ET SHAKSPEARE

beaux vers pour jeter un voile utile sur l’absurdité du fatalisme[1] d’Œdipe ou de Phèdre, et ne nous laisser sensibles qu’aux beaux effets qui sortent de ces données. Par exemple, la double confidence d’Œdipe et de Jocaste (acte IV, scène 1re). Peut-être, les tragédies d’amour, telles qu’Andromaque, Tancrède, Ariane, Inès de Castro, seront-elles toujours bonnes à écrire en vers.

Nous ne réclamons la prose que pour les tragédies nationales, la Mort de Henri III, le Retour de l’île d’Elbe, Clovis s’établissant dans les Gaules à l’aide des prêtres[2], Charles IX, ou la rigueur (le massacre) salutaire de la Saint-Barthélémy. Tous ces sujets, présentés en vers alexandrins, sont comme sous le masque, chose d’une évidence mathématique, puisque les deux tiers de la langue parlée aujourd’hui, dans les salons du meilleur ton, ne peuvent se reproduire au théâtre.

Je défie que l’on réponde à cette objection. Mais quel que soit l’immense crédit des pédants, quoiqu’ils règnent dans l’enseignement public, à l’Académie, et même chez les libraires, ils ont une ennemie terrible dans la discussion dialoguée de la

  1. Fatalisme tout à fait reproduit par : Mutll sunt vocati, pauci vero electi. Jupiter n’était pas méchant comme Jéhovah ; car il avait le destin au-dessus de lui.
  2. Je viens de lire cette étonnante révolution dans la naïve histoire de saint Grégoire de Tours. Nos hypocrites ont blâmé M. Dulaure d’avoir été aussi naïf dans son Histoire de Paris. Ce qui m’étonne, c’est qu’on n’ait pas eu recours à l’argument irrésistible de sainte Pélagie, en vérité le seul bon dans une telle cause.