Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
RACINE ET SHAKSPEARE

lui-même, car à vingt ans, quoi qu’on en dise, l’on veut jouir, et non pas raisonner, et l’on fait bien ; c’est par cette raison secrète que le jeune public du second théâtre français se montre si facile sur la fable des pièces qu’il applaudit avec le plus de transports. Quoi de plus ridicule que la fable du Paria, par exemple ? Cela ne résiste pas au moindre examen. Tout le monde a fait cette critique, et cette critique n’a pas pris. Pourquoi ? c’est que le public ne veut que de beaux vers. Le public va chercher au théâtre français actuel une suite d’odes bien pompeuses, et d’ailleurs exprimant avec force des sentiments généreux. Il suffit qu’elles soient amenées par quelques vers de liaison. C’est comme dans les ballets de la rue Pelletier[1] : l’action doit être faite uniquement pour amener de beaux pas, et pour motiver, tant bien que mal, des danses agréables.

Je m’adresse sans crainte à cette jeunesse égarée qui a cru faire du patriotisme et de l’honneur national en sifflant Shakspeare, parce qu’il fut Anglais. Comme je suis rempli d’estime pour des jeunes gens laborieux, l’espoir de la France, je

  1. L’Opéra était installé rue Le Peletier depuis 1821. N. D. L. É.