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RACINE ET SHAKSPEARE

neuvième siècle, c’est du classicisme[1].

Je n’hésite pas à avancer que Racine a été romantique ; il a donné aux marquis de la cour de Louis XIV une peinture des passions, tempérée par l’extrême dignité qui alors était de mode, et qui faisait qu’un duc de 1670, même dans les épanchements les plus tendres de l’amour paternel, ne manquait jamais d’appeler son fils Monsieur.

C’est pour cela que le Pylade d’Andromaque dit toujours à Oreste : Seigneur ; et cependant quelle amitié que celle d’Oreste et de Pylade !

Cette dignité-là n’est nullement dans les Grecs, et c’est à cause de cette dignité, qui nous glace aujourd’hui, que Racine a été romantique.

Shakspeare fut romantique parce qu’il présenta aux Anglais de l’an 1590, d’abord les catastrophes sanglantes amenées par les guerres civiles, et pour reposer de ces tristes spectacles, une foule de peintures fines des mouvements du cœur, et des nuances de passions les plus délicates. Cent ans de guerres civiles et de troubles presque continuels, une foule de trahisons, de supplices, de dévouements généreux, avaient préparé les sujets d’Élisabeth à ce

  1. Voir l’analyse du théâtre grec, par Métastase.