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DU ROMANTICISME

reur ? comment se figurer Sylla[1] joué sans changements de décorations ?

Si M. Chénier eût vécu, cet homme d’esprit nous eût débarrassés de l’unité de lieu dans la tragédie, et par conséquent des récits ennuyeux ; de l’unité de lieu qui rend à jamais impossibles au théâtre les grands sujets nationaux : l’Assassinat de Montereau, les États de Blois, la Mort de Henri III.

Pour Henri III, il faut absolument, d’un côté : Paris, la duchesse de Montpensier, le cloître des Jacobins ; de l’autre : Saint-Cloud, l’irrésolution, la faiblesse, les voluptés, et tout à coup la mort, qui vient tout terminer.

La tragédie racinienne ne peut jamais prendre que les trente-six dernières heures d’une action ; donc jamais de développements des passions. Quelle conjuration a le temps de s’ourdir, quel mouvement populaire peut se développer en trente-six heures ?

Il est intéressant, il est beau de voir Othello, si amoureux au premier acte, tuer sa femme au cinquième. Si ce changement a lieu en trente-six heures, il est absurde, et je méprise Othello.

Macbeth, honnête homme au premier

  1. Tragédie d’Étienne Jouy. N. D. L. É.