Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
FÉDER

dans le rôle du Petit Matelot, il ne savait que deux choses : monter à cheval et faire des portraits en miniature ; ces portraits étaient d’une ressemblance frappante on ne pouvait leur refuser ce mérite ; mais c’était le seul qui pût justifier les prétentions de l’auteur. Ils étaient toujours d’une laideur atroce et n’atteignaient à la ressemblance qu’en outrant les défauts du modèle.

Michel Féder, chef si connu de la raison Michel Féder et compagnie, déclamait toute la journée en faveur de l’égalité naturelle, mais jamais ne put pardonner à son fils unique d’avoir épousé une petite actrice. En vain l’avoué chargé de faire protester les mauvaises lettres de change adressées à sa maison lui fit observer que le mariage de son fils n’avait été célébré que par un capucin espagnol (dans le Midi, on ne s’est point encore donné la peine de comprendre le mariage à la municipalité) ; Michel Féder, né à Nuremberg et catholique outré, comme on l’est en Bavière, tenait pour indissoluble tout mariage où était intervenue la dignité du sacrement. L’extrême vanité du philosophe allemand fut surtout choquée d’une sorte de dicton provençal qui fut bientôt populaire dans Marseille :


Monsieur Féder, le riche Baviérot,
Se trouve le beau-père au petit matelot.