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ROMANS ET NOUVELLES

— Donnez-lui votre main à baiser, lui dit une vieille figurante qui tenait des flacons de sels près de la figure de Féder ; s’il est ainsi, c’est par amour pour vous. Le pauvre jeune homme est sans fortune et amoureux fou, voilà qui est guignonant.

Rosalinde disparut et revint bientôt avec les mains et les bras parfumés de l’odeur qui était alors le plus en vogue. Est-il besoin de dire que le jeune Marseillais revint de son profond évanouissement, en faisant les mines les plus touchantes ? À ce moment, il était si ennuyé d’être resté trois quarts d’heure, les yeux fermés et sans parler, au milieu de tant de bavardages, que ses regards, toujours fort vifs, jetaient des flammes. Rosalinde fut si profondément touchée de cet accident, qu’elle voulut l’emmener dans sa voiture.

L’esprit de Féder ne manqua point à la situation qu’il s’était faite, et, moins d’un mois après cette première entrevue, si bien ménagée, la passion de Rosalinde devint tellement folle, que les petits journaux en parlèrent. Quoique fort riche, comme l’exercice des arts détruit chez les femmes la prudence d’argent, Rosalinde voulut épouser Féder.

— Vous avez trente, quarante, je ne sais combien de mille livres de rente, dit