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FÉDER

line de fort bonne heure, et elle avait été placée dans un couvent, qu’elle n’avait quitté que pour épouser M. Boissaux, qui lui semblait aussi singulier que son frère, mais dépourvu de la gaieté et de l’esprit qui rendaient agréable la société de ce dernier, quand il se modérait et ne songeait pas exclusivement à être aimable. Valentine fit rapidement une foule de réflexions sur ce grand peintre, qui se trouvait un être si différent de celui qu’elle s’était figuré. Alors ce fut avec peine qu’elle se souvint qu’il semblait ne pas désirer de faire son portrait. Il faut savoir que poser pour ce portrait, se soumettre si longtemps au regard scrutateur d’un inconnu, était pour elle une corvée épouvantable. La chose en était venue à ce point de sérieux, qu’elle avait eu besoin de se souvenir qu’elle avait juré devant l’autel de considérer son mari comme le maître absolu de toutes ses actions importantes pour qu’elle consentît à ce portrait. Son frère lui avait répété deux ou trois fois, et en exagérant beaucoup à chaque fois, les raisons que Féder lui avait données pour se faire préférer le grand artiste dont il a déjà été question.

Valentine fut agréablement et profondément surprise quand, arrivée à la comparaison des deux portraits, elle vit faiblir toutes les raisons que Féder avait