Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
FÉDER


attention trop sévère à leurs regards.

Il résultait des remords de Valentine et du système de Féder qu’il faisait sans amour les actions qui montraient le plus de passion. Ainsi, longtemps après le portrait en miniature achevé, Valentine ayant voulu voir l’atelier du peintre, il profita d’un des moments où Delangle et deux ou trois personnes qui accompagnaient madame Boissaux regardaient un beau Rembrandt pour retourner un des tableaux qui faisaient de cet atelier une jolie galerie, et il fit voir à Valentine un magnifique portrait à l’huile, représentant une religieuse : c’était le portrait admirablement fait de Valentine elle-même. Elle rougit beaucoup, et Féder se hâta de rejoindre Delangle. Mais, avant la sortie de madame Boissaux, il lui dit de l’air le plus indifférent, en apparence :

— Ce n’est pas pour rien que j’ai pris la liberté de vous faire voir le portrait de cette religieuse ; c’est un morceau sans prix à mes yeux ; mais je vous donne ma parole que si vous ne prononcez pas ces mots : « Je vous le donne, » demain je porte ce tableau dans le bois de Montmorency, et je le brûle.

Valentine détourna les yeux et prononça en rougissant beaucoup, les mots :

— Eh bien, je vous le donne.