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FÉDER


les grandes circonstances, je serai tout à fait aux ordres de celui des ministres qui est le mieux en cour ; c’est ainsi que l’on devient receveur général, pair de France et même député. Si j’étais député, mon petit avocat sans cause me ferait les plus beaux discours du monde. Vous êtes fort jolie, et la pureté de votre caractère, se réfléchissant dans vos traits, vous donne une certaine grâce naïve que l’on n’est point accoutumé à rencontrer à Paris, surtout chez les dames banquières ; c’est notre Féder qui m’a appris cette parole insolente. Enfin vous êtes à la veille d’avoir les plus grands succès ; il ne vous manque que de le vouloir. Eh bien, je vous le demande à genoux, daignez avoir cette volonté ; c’est moi, votre mari, qui vous demande d’être un peu coquette. Par exemple, j’ai invité à dîner, pour vendredi prochain, deux receveurs généraux qui, probablement, dînent mieux chez eux qu’ils ne feront chez vous ; mais répondez à ce qu’ils vous diront, de façon à faire durer la conversation ; s’ils entreprennent de vous faire des récits, ayez l’air de les écouter avec intérêt, et, s’il vous en souvient, parlez-leur de l’admirable jardin anglais que j’ai planté à dix lieues de Bordeaux, sur les bords ravissants de la Dordogne et dans un champ que j’avais