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FÉDER


y employer l’architecte qui fait le dessin de la maison à élever sur les bords de la Dordogne, auprès de ce fameux jardin, etc.

La mine que faisait Valentine tant que dura cette conversation prudente était à peindre ; elle avait des prétentions à la gaieté ; puis elle se reprochait de tromper son frère ; tromper ce frère, qui n’avait au monde d’affection que pour elle, n’était-ce pas un crime ? Il fallait donc que sa façon d’être habituellement avec Féder fût bien coupable, puisqu’elle était obligée de prendre une précaution de comédie pour la cacher à un frère qui eût exposé sa vie, et, bien plus, qui eût exposé sa fortune pour lui être utile. D’un autre côté, l’étrangeté de cette précaution donna l’idée à Valentine que peut-être la durée de ses relations de tous les jours avec Féder était menacée. « Enfin, se dit-elle, ce n’est peut-être pas une chose aussi simple qu’elle le paraît que Féder me fait faire ; j’en juge par mon émotion ; j’ai peut-être eu tort de lui obéir. En quels termes pourrais-je, sur cette question, consulter le saint homme qui dirige ma conscience ? »

Comme l’on voit, pendant la durée de cet entretien, qui n’eût été que plaisant pour une âme parisienne, deux ou trois craintes tragiques se disputaient l’esprit de la jeune provinciale. Elle avait trop