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ROMANS ET NOUVELLES


avoir sur elle. Dans le fait, il n’avait pas de projet ; il ne savait pas résister au plaisir de passer sa vie dans l’intimité la plus sincère avec une jeune femme charmante et qui peut-être l’aimait. Mais lui-même tremblait de s’engager dans une passion, et il n’y a pas de doute que, s’il eût été certain de finir par aimer passionnément Valentine, il eût quitté Paris à l’instant. L’on peut dire avec vérité, pour peindre la situation de son âme, que c’était l’affreux ennui du jour qui aurait suivi le départ qui le retenait à Paris et l’empêchait de raisonner avec sévérité sur les suites probables de sa conduite. « Je ne serai que trop tôt réduit à ne plus la voir. Delangle dira un mot grossier sur mes attentions pour Valentine, et me fera fermer la porte de la maison. Or, une fois que cette petite pensionnaire ne me verra plus, elle ne pensera plus à moi, et, six semaines après notre séparation, elle se souviendra de Féder comme de toutes ses autres connaissances de Paris. »

Mais il était bien rare que notre héros raisonnât sur sa situation d’une manière aussi profonde ; il était parfaitement d’accord avec lui-même sur la vérité de cette maxime : Il ne faut pas avoir d’amour et faire dépendre tout son bonheur du caprice d’une femme légère. Mais ce qu’il