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FÉDER


Viroflay vint porter une altération profonde dans les relations des deux beaux-frères. Autrefois Delangle rendait hommage volontiers au génie qu’avait Boissaux pour inventer des spéculations dans des places et avec des prix-courants qui ne semblaient offrir aucune ressource. Boissaux avait un second talent ; à force d’y rêver, il savait tirer de l’argent de certaines spéculations qui se présentaient sous l’aspect le moins avantageux.

Mais Delangle avait toujours pensé que dans un salon il devait l’emporter infiniment sur son beau-frère, qui pouvait passer pour un modèle accompli de toutes les inélégances. Pour comble de malheur, Boissaux, qui, en tout, était parfaitement dissimulé, ne pouvait cacher la joie la plus ridicule dès que sa vanité obtenait le moindre succès. Delangle s’était confié à tous ces désavantages de l’ami intime qui devenait son rival. Il fut loin de s’inquiéter d’abord de l’excellence des dîners de Viroflay ; rien n’était comparable à la figure rouge et à la voix tremblotante de bonheur avec laquelle Boissaux faisait les honneurs d’un plat de primeur, d’un prix un peu extraordinaire ; mais, quand Féder se fut décidé à introduire quelques parasites du grand monde aux excellents dîners de Viroflay ; quand, subitement, la gloire