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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/72

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ROMANS ET NOUVELLES

refuge en France, il y a deux ans. Nous sommes l’un et l’autre de Carthagène, mais lui fort riche, moi très pauvre. « J’ai trente ans de plus que vous, ma chère Léonor, me dit-il en me prenant à part, la veille de notre mariage ; mais j’ai plusieurs millions et je vous aime comme un fou, comme je n’ai jamais aimé. Voyez, choisissez : si mon âge vous éloigne de ce mariage, je prendrai auprès de vos parents tout le tort de la rupture. » Monsieur, il y a quatre ans de cela. J’avais quinze ans. Ce que je sentais le plus vivement alors, c’était l’ennui de la profonde pauvreté où la révolution des Cortès a plongé ma famille. Je n’aimais pas. J’acceptai. Mais, monsieur, j’ai besoin de vos conseils, car je ne connais ni les usages de ce pays, ni votre langue, comme vous voyez. Sans ce besoin extrême que j’ai de vous, je ne pourrais supporter la honte qui me tue. Cette nuit, en me voyant chassée d’une maison de petite apparence, vous avez pu croire que c’était une femme de mauvaise vie que vous secouriez. Eh bien, monsieur, je vaux moins encore. Je suis la plus criminelle et aussi la plus malheureuse des femmes, ajouta Léonor en fondant en larmes. Un de ces jours, vous me verrez peut-être devant vos tribunaux, et je serai condamnée à quelque peine in-