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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/74

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ROMANS ET NOUVELLES

convenante, mais, dans l’abîme d’opprobre où je suis tombée, je ne veux pas du moins tromper mon bienfaiteur. Vous voyez, monsieur, une malheureuse qui vous admire, qui est pénétrée de reconnaissance, mais qui jamais ne pourra vous aimer.

Liéven devint fort triste.

— Ne prenez pas, madame, pour le dessein de vous abandonner, dit-il enfin d’une voix faible, la tristesse subite qui inonde mon cœur ; je pense aux moyens d’éviter la poursuite des gendarmes. Le moins chanceux est encore de rester cachée dans Bordeaux. Plus tard, je vous proposerai de vous embarquer à la place d’une autre femme de votre âge et aussi jolie, pour qui j’arrêterai le passage sur un navire.

En finissant ces mots, l’œil de Liéven était mort.

— Don Gutier Ferrandez, reprit Léonor, devint suspect au parti qui tyrannise l’Espagne. Nous faisions des promenades en pleine mer. Un jour, nous trouvâmes au large un petit brick français. « Embarquons-nous, me dit mon mari ; abandonnons tous nos biens de Carthagène. » Nous partîmes. Mon mari est encore fort riche ; il a pris une maison superbe à Bordeaux, où il a recommencé son commerce ;