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FÉDER


vérité des choses dites par le jeune peintre.

Féder raconta fidèlement à Valentine tout ce qu’il avait dit contre les livres et en faveur du culte des jouissances physiques.

— Si M. Boissaux, ajoutait-il, donne des dîners suivant les programmes que je lui indiquerai, il pourra dépenser cinquante billets de mille francs ; mais aussi, en moins de six mois, il sera connu à l’Opéra et sur le boulevard, et la vanité se chargera de lui procurer des jouissances telles, qu’il rira au nez de Delangle lorsque celui-ci viendra lui dire : « Mais ne voyez-vous pas que Féder est amoureux de Valentine ? »

C’est sur ce ton que se parlaient les deux amants. Notre héros avait accoutumé madame Boissaux à ce langage. Il est vrai que jamais Féder n’ajoutait : « Oui, je vous aime avec passion, vous avez changé ma vie, ne serez-vous jamais sensible à tant d’amour, etc., etc. » Jamais une seule parole dans ce sens ne lui était échappée ; mais en lui tout parlait d’amour, excepté ses paroles, et Valentine lui donnait très bien des rendez-vous ; c’est-à-dire qu’elle lui indiquait, avec une exactitude scrupuleuse, le moment où elle arriverait de Viroflay au bois de Boulogne. C’était là que nos jeunes amis se voyaient les jours