Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, Lévy, 1854.djvu/328

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air mélancolique, le grand-duc de C... te ferait épouser son aide de camp.

Par un beau jour d’été, Mme de Wangel et sa fille étaient allées à Compiègne pour voir une chasse du roi. Les ruines de Pierrefonds, que Mina aperçut tout à coup au milieu de la forêt, la frappèrent extrêmement. Encore esclave des préjugés allemands, tous les grands monumens qu’enferme Paris, cette nouvelle Babylone, lui semblaient avoir quelque chose de sec, d’ironique et de méchant. Les ruines de Pierrefonds lui parurent touchantes, comme une ruine de ces vieux châteaux qui couronnent les cimes du Brocken (2). Mina conjura sa mère de s’arrêter quelques jours dans la petite auberge du village de Pierrefonds. Ces dames y étaient fort mal. Un jour de pluie survint. Minas étourdie comme à douze ans, s’établit sous la porte cochère de l’auberge, occupée à voir tomber la pluie. Elle remarqua l’affiche d’une terre à vendre dans le voisinage. Elle arriva un quart d’heure après chez le notaire, conduite par une fille de l’auberge qui tenait un parapluie sur sa tête. Ce notaire fut bien étonné de voir cette jeune fille vêtue si simplement discutée avec lui le prix d’une terre de plusieurs centaines de mille francs, le prier ensuite de signer un compromis et d’accepter comme arrhes du marché quelques billets de mille francs de la banque de France.

Par un hasard que je me garderai d’appeler singulier, Mina ne fut trompée que de très peu. Cette terre s’appelait le Petit-Verberie. Le vendeur était un comte de Ruppert, célèbre dans tous les châteaux de la Picardie. C’était un grand jeune homme fort beau ; on l’admirait au premier moment, mais peu d’instans après on se sentait repoussé par quelque chose de dur et de vulgaire. Le comte de Ruppert se prétendit bientôt